LA SOIE ET LES CANUTS - La "semaine sanglante" d'avril 1834
 
La période 1834 - 1834
L'ancien garde national Monfalcon, premier "historien" des révoltes des canuts, écrit : "une des plus fatales conséquences des événements de novembre sera de faire des ouvriers lyonnais une classe politique".
Certains considèrent pourtant que cette unité politique était préexistante et n'a été que révélée à la Bourgeoisie qui voulait l'ignorer.

A la suite des événements de 1831, le Devoir Mutuel se renforce; certains fabricants récalcitrants sont boycottés, et les canuts qui bravent ces décisions se voient sanctionnés par leurs délégués: une conception de type "syndicaliste" de la profession se développe.
Les fabricants vivent malgré ces aléas une période prospère, et les journaux républicains opposent cette prospérité insolente aux conditions de vie toujours précaires des canuts malgré les augmentations de salaires. En 1832, une réforme du Conseil des Prud'hommes a lieu, mais les chefs d'atelier y sont toujours en minorité et les fabricants y ont rarement recours. Selon Monfalcon, "les ouvriers gâtent cette institution et la privent de tous les avantages qu'elle promettait". Les Compagnons se réunissent dans la "Société des Ferrandiniers", association semi-secrète que rejoignent les mutuellistes; naît au même moment la Société des Amis du Peuple.

C'est finalement dans les idées Républicaines que les canuts placent leurs espoirs. Celles-ci leur apportent en effet une structure qui manque encore à leur classe, des bases économiques et politiques sur lesquelles s'appuyer, un cadre à leurs revendications sociales. Certains observateurs prétendront que ce sont les Républicains qui virent dans cette population laborieuse l'outil idéal à manipuler pour répandre leurs idées et les conduire à la prise du Pouvoir par l'utilisation de leurs velléités de révoltes. Ainsi Monfalcon affirme-t-il:
"Après les événements de novembre[...], tous les partis politiques se jetèrent sur Lyon comme sur une proie qui leur était acquise. Ils s'occupèrent avec une infatigable activité à élargir et à envenimer la grande plaie lyonnaise, et se firent les flatteurs [...] des ouvriers, pour en faire un instrument lorsque le moment serait venu.

L'atmosphère qui doit permettre l'éclosion du second mouvement se crée rapidement.

En février 1834, la baisse d'un certain tarif annoncée par les patrons provoque une grève générale qui, si elle cesse rapidement, renforce la solidarité entre les canuts, ferrandiniers et mutuellistes, et donne naissance à un esprit de résistance qui n'avait jamais été aussi fort parmi eux.
En avril a lieu le procès des mutuellistes arrêtés lors de la coalition de février. C'est le chaos qui entoure ce procès qui sera la cause de l'"insurrection d'avril", ou "semaine sanglante"

 
La "semaine sanglante"
Tout commence le 9 avril 1834, jour du jugement des ouvriers meneurs d'une grève générale qui avait duré relativement peu de temps en février. Après la proposition d'une loi contre les associations ouvrières, ce procès met le feu aux poudres. Les troupes occupent la ville, et c'est une foule désarmée qui se retrouve sous le feu des soldats. Aussitôt des barricades se dressent à la Croix-Rousse. On se bat aussi dans le centre. Au soir, les insurgés occupent les hauteurs.

Le 10 avril, nouvelles fusillades. Les insurgés s'emparent du télégraphe de St-Just, du quartier de la Guillotière, puis de Villeurbanne où les casernes sont prises. Crimes et pillages des maisons se succèdent. Le drapeau noir ou rouge flotte sur Fourvière, St-Polycarpe et l'Antiquaille. Le 11, La Croix-Rousse est bombardée par la Troupe qui a reçu des renforts.

combats
Transnonain
Rue Transnonain, 15 avril 1834
Daumier - Musée de Boston
Le 12 avril, la Guillotière est reprise par la Troupe. Destructions, incendies (que la neige qui tombe à gros flocons ne parvient pas à éteindre), assassinats se poursuivent.
Le 14, le mouvement agonise. L'armée reconquiert progressivement la ville et attaque pour la troisième fois le quartier de la Croix Rousse, massacrant de nombreux ouvriers, de même que des enfants, des femmes et des vieillards.
A Vienne, à Saint-Etienne, le mouvement a donné lieu à des émeutes parallèles; à Paris, des barricades se sont formées dans le Marais: à l'image de ceux de Lyon, le massacre par l'armée d'une famille de la rue Transnonain, le 15 avril, sera immortalisé par Daumier.

C'est en ce jour du 15 avril que s'achèvera à Lyon cette "sanglante semaine".
Plusieurs centaines de victimes sont à déplorer de part et d'autre, bien que le nombre exact des victimes civiles soit certainement au-dessus de ce qui a été décompté, beaucoup d'insurgés ne s'étant volontairement pas fait connaître.
Les insurgés faits prisonniers - plus de 600 - seront jugés dans un "procès monstre" à Paris en avril 1835, et condamnés à la déportation ou à de lourdes peines de prison.
SUITE...


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