LES TISSERANDS AUTOUR DE ROUBAIX-TOURCOING
La fabrique
 
Le règlement d'atelier, souvent écrit par le fabricant, régissait la vie de la fabrique et lui permettait de maintenir l'ordre dans son entreprise. En voila les principales composantes.
 
Les obligations
L'engagement réciproque est l'élément-clef de ces obligations. La durée en est généralement de 15 jours. Pendant cette période le maître ne peut pas licencier son ouvrier et l'ouvrier ne peut pas quitter la fabrique.

La période d'essai est une pratique très rare, qu'on retrouve parfois lorsqu'il s'agit de travailler sur un métier Jacquard. Dans ce cas, elle durait quelques jours ou bien impliquait la fabrication d'un certain nombre de pièce.
"tout ouvrier n'ayant jamais travaillé aux jacquarts, quoique tisserand, sera tenu de faire dix pièces sans pouvoir quitter ; sinon il devra payer 10F d'apprentissage". (règlement atelier Dutilleul-Lorthiois - Roncq - 1841)

Le livret d'ouvrier doit être présenté lors de l'entrée dans l'atelier ; il est rendu à l'ouvrier lors de sa sortie. Ce livret constituait un moyen de pression de la part des fabricants ; en cas de conflit avec l'ouvrier, son livret ne lui était pas rendu, empêchant toute embauche postérieure.
livret
Le livret ouvrier
 
Les horaires
Bien que le règlement se contente souvent d'une formule vague (...suivant l'usage établi en cette ville...), les fabricants sont très stricts sur les horaires de travail.
La journée comporte en général 14 heures (y compris les pauses). En été on commence à 5 heures du matin. La pause du midi est de 1 ou 2 heures, complétée par des pauses d'un quart d'heure dans la journée.
L'usage de la cloche est généralisé ; il annonce le début et la fin du travail et marque les pauses.

Les retards sont sanctionnés par des amendes et, lorsqu'ils deviennent répétitifs par la remise du livret, c'est-à-dire le renvoi de l'ouvrier. Les absences sont défalquées de la paie.

L'atelier est un espace clos ; les étrangers n'y sont pas admis, et l'ouvrier qui en sort est soumis à une amende. De même l'ouvrier qui est trouvé ailleurs que sur son lieu de travail doit payer une amende.
 
La moralité
Le vol est sévèrement puni. L'ouvrier qui a volé le fabricant, soit en emmenant du fil, soit en le trompant sur les quantités prises et rendues, se voyait infligé une amende. Dans les cas plus graves il pouvait y avoir plainte déposée par le fabricant.
"L'ouvrier sera tenu de rendre compte à chaque pièce qu'il rapportera, de la quantité de laine qu'on lui aura délivrée, et le manquant, s'il y en a, sera retenu sur sa pièce. Si ses déchets sont plus considérables qu'aux autres ouvriers, il pourra être renvoyé de suite sans avertissement à cause du préjudice qu'il fait à son maître". (règlement atelier Grimonprez - 1835)

L'ivresse était puni d'une amende et il était interdit d'introduire de l'alcool dans les ateliers.
Les jeux et la dissipation impliquaient également une amende. De même il était interdit d'écrire, de barbouiller les murs, de déposer des ordures, de faire des graffitis sur les portes et murs. La présence de main d'oeuvre enfantine explique probablement ces règles.

Les ouvriers coupables d'insultes ou d'insubordination envers le maître ou les contremaîtres risquaient de 2 à 5 ans de prison. D'une manière générale, tout ce qui pouvait amener le trouble dans le bon déroulement du travail était sévèrement réprimé. Le Code pénal abondait dans ce sens : "Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps le travail dans un atelier, empêcher de s'y rendre et d'y rester avant ou après de certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s'il y a eu tentative ou commencement d'exécution, sera punie d'un emprisonnement d'un mois au moins et trois mois au plus. Les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de 2 à 5 ans". (Code pénal Titre Cinq).

Le nettoyage de l'atelier fait partie des tâches imposées par le règlement. Le balayage avait lieu deux fois par jour.

Pour des raisons évidentes de sécurité, il était strictement interdit de fumer dans les ateliers, ni même de se promener avec une pipe, fut-elle éteinte !
Les poêles étaient allumés une fois par jour, et il était interdit d'y toucher, pour éviter les risques d'incendies.

 
SUITE...


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