LA SOIE ET LES CANUTS - Les moulinières
 
Qu'est-ce que le moulinage
Le fil de soie grège tel qu'il sort de la filature ne peut pas être utilisé directement. Pour être plus résistant, il doit subir une torsion (on dit être mouliné, mais plus souvent on parlera d'ouvraison). Celle-ci s'effectue au moyen d'un système de fuseaux mus par des moulins. Initialement ces moulins étaient mus par des chevaux, voire par des femmes. Au XVIIème siècle, on a commencé à utiliser la force hydraulique pour alimenter les moulins en énergie. AU XIXème siècle, il bénéficieront de la vapeur.

moulin de Piemont
Moulin de piémont
(Encyclopédie Diderot)
 
Les moulinages
Le moulinage désigne également le bâtiment qui accueille les moulins. L'utilisation de l'eau, puis de la vapeur, ont nécessité des bâtisses de plus en plus imposantes devant accueillir le plus de moulins possible. Ceux-ci sont concentrés dans le sud de la région lyonnaise, en Ardèche et dans le Forez.
En 1860, on compte, en Ardèche, 350 moulinages occupant 13000 personnes qui travaillent exclusivement pour les " soyeux " lyonnais. Au XIXème siècle, cette activité occupe jusqu'à 20000 personnes dispersées dans les collines aux environs de Lyon.
 
La moulinière
Sous ce vocable, on désigne l'ouvrière qui mouline le fil. Ouvrière car il s'agit le plus souvent de femmes ou de jeunes filles âgées de 13 à 25 ans. Celles-ci viennent souvent de hameaux ou de fermes situées à plusieurs kilomètres, voire jusqu'à 30 kilomètres, pour travailler au moulinage. Le temps de leur trajet est pris sur le temps de sommeil, ce qui leur cause une grande fatigue. Rapidement la "fabrique-dortoir" va se généraliser. Les ouvrières partent alors le lundi matin de chez elle, pour ne rentrer que la samedi. Le fabricant trouve ainsi l'avantage d'avoir des ouvrières moins fatiguées, plus productives, et présentes sur leur lieu de travail en permanence. C'est ainsi de 20 à 30 ouvrières qui sont logées sur place.
Plus tard, avec l'avènement de la vapeur et l'accroissement de la production, la "fabrique-dortoir" deviendra l' "usine-pensionnat". La concentration augmente, pour atteindre jusqu'à plusieurs centaines de moulinières qui deviennent alors de véritables pensionnaires, avec une discipline très stricte.
Au milieu du XVIIIème siècle, Vaucanson améliore la productivité des moulins en remplaçant la roue ronde par une roue ovale. A cause de cette forme ovale, la moulinière est aussi appelée ovaliste.


Ovale
(Encyclopédie Diderot)
ovale
 
Son travail
Le long de son métier, elle veille à rattacher les bouts cassés, à remplacer les roquets vides par des roquets pleins. Quand un bout se casse, elle doit d'abord le rechercher sur le roquet qu'elle tient arrêté d'une main ; une fois trouvé, elle le met dans la bouche, tandis qu'elle emploie ses deux mains à dérouler sur la roquelle une longueur de fil assez grande pour avoir le temps de préparer un noeud. Vivement, avec beaucoup d'adresse, entre le pouce et l'index, elle rattache les fils et continue le long de la machine son va-et-vient qui peut l'amener à surveiller plusieurs centaines de bobines.

(Extrait de La vie quotidienne des canuts au XIXème siècle - B. PLESSY / L. CHALLET)
 
Son salaire
Au milieu du XIXème siècle, le salaire d'une moulinière est compris entre 15 et 22 francs par mois. A la même époque, on estime que les dépenses nécessaires sont comprises entre 13 et 16 francs. Il faut attendre la fin du XIXème siècle pour enregistrer une augmentation sensible ; par exemple en Ardèche, le salaire est alors compris entre 25 et 30 francs par mois.
 
Les grèves
Jusqu'aux années 1870, celles-ci sont très rares. Tout d'abord, le règlement intérieur, qui prévoie le renvoi dans ce cas, n'y incite pas. Ensuite la dispersion des moulinages, ainsi que le faible niveau d'instruction des ouvrières, ne sont pas propices à de tels mouvement sociaux.
On peut toutefois signaler, en 1863, à Dunières la grève de 800 ouvrières pendant près de vingt jours en réaction à un nouveau règlement défavorable. Celui-ci sera annulé et le temps de travail diminué d'une heure.

La fin du XIXème siècle verra naitre des grèves plus importantes et plus suivies. Le motif en est toujours la diminution du temps de travail et l'augmentation du salaire.

D'une manière général, les chefs d'établissement consentent souvent à une diminution d'horaire, qui permet aux ouvrières de ne travailler "que" 11 heures par jour au lieu de 13. Par contre, ils sont beaucoup plus intransigeants sur la question des salaires et les augmentations sont rares.
 
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